L’élargissement européen dans les Balkans occidentaux

Après l’accession de la Croatie en 2013, ses voisins des Balkans occidentaux sont devenus les candidats les plus crédibles pour le prochain élargissement. A quoi ressemble leur processus d’adhésion et lesquels de ces pays ont parcouru le plus de chemin ?

Depuis plus de 40 ans, l’Union européenne (UE) ne cesse d’accueillir de nouveaux membres en son sein. Après la plus récente adhésion de 2013 qui a vu la Croatie devenir le 28e membre de l’UE, les regards se portent vers ses voisins, membres comme elle de l’ex-Yougoslavie (Serbie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Macédoine, Kosovo), ainsi que vers l’Albanie. Ceux-ci sont les candidats les plus crédibles pour un prochain élargissement qui ne se fera probablement pas avant au moins 2020 selon les déclarations du Président de la Commission Juncker. Quel processus a été mis en place pour guider ces pays vers l’adhésion à l’UE et où en sont-ils maintenant sur leur chemin à l’adhésion ?

Des jalons posés en 1990

Après les déclarations d’indépendance du début des années 1990 et les conflits meurtriers qui ont fragilisé pendant plusieurs années la région, une première pierre est posée à l’édifice par le Conseil de l’UE à Luxembourg en avril 1997. Dans l’annexe III, le Conseil approuve la stratégie de l’UE pour ses relations avec ces pays. Celle-ci repose sur la conditionnalité : les pays doivent remplir certaines conditions s’ils veulent développer leurs relations avec l’UE. Ces conditions sont de caractère politique (mise en place d’un Etat de droit démocratique, protection des droits de l’homme et des minorités, coopération avec le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie) et économique (application de réformes économiques, ouverture des frontières douanières).

En 1999, la stratégie se concrétise par le lancement du processus de stabilisation et d’association (PSA) par le Conseil de l’UE. Ce processus propose un cadre défini visant à la stabilisation politique et économique de ces pays, ainsi qu’au développement de liens plus étroits entre ces pays et l’UE. On retrouve trois volets principaux : l’aide financière et économique (programmes PHARE, CARDS puis depuis 2007 l’Instrument d’aide de préadhésion) ; coopération régionale par l’établissement d’une zone de libre-échange entre ces pays et l’UE ; et la possibilité d’une adhésion future. Lors de son lancement, ce processus oscillait entre une politique de voisinage et une politique d’élargissement encore mal définie.

Un long chemin institutionnel

C’est en juin 2000, au Conseil européen de Feira, que ces pays se voient officiellement attribuer le statut de candidats potentiels à l’adhésion. Ce statut est confirmé par une déclaration lors du sommet UE-Balkans occidentaux à Thessalonique en juin 2003. En plus de cette déclaration, le Conseil européen adopte l’Agenda de Thessalonique pour les Balkans occidentaux : celui-ci prévoit l’enrichissement du PSA qui devient désormais clairement un outil de la politique d’élargissement. L’objectif des futurs candidats est d’obtenir la signature d’un Accord de stabilisation et d’association (ASA), laquelle permet parallèlement au pays de faire une demande officielle d’adhésion. Afin d’arriver à la signature d’un ASA, la Commission doit d’abord décider de l’ouverture de négociations (si le pays est considéré assez stable). L’UE fixe ensuite des objectifs à atteindre dans l’optique d’une adoption de l’acquis communautaire, en allant du plus urgent au plus spécifique. Les futurs candidats élaborent alors des plans d’action dont la mise en œuvre est évaluée annuellement.

Quand l’ASA est finalement signé et entré en vigueur, et la demande d’adhésion acceptée, les négociations officielles d’adhésion à proprement parler commencent. La Commission vérifie que le pays candidat satisfasse bien les critères de Copenhague (critères à l’accession décidés par le Conseil européen de Copenhague en 1993) : critères politiques, critères économiques et adoption de l’acquis communautaire. L’acquis communautaire est divisé en 35 chapitres (par exemple : marchés publics, contrôle financier, droit des sociétés, etc.) qui doivent tous être complétés et fermés à la veille de l’adhésion, ce qui signifie alors que le pays candidat a transposé l’ensemble du corpus juridique communautaire dans sa législation nationale. A l’issue de cette phase, un traité d’adhésion est signé entre le candidat et les Etats membres, puis ratifié par chaque Etat-membre. La ratification du traité par tous les membres de l’UE donne enfin lieu à l’adhésion.

Des candidatures à plusieurs vitesses

Ce processus n’est cependant que théorique et il arrive souvent que la progression individuelle des pays soit ralentie ou bouleversée. Commencer son processus d’adhésion au même moment qu’un autre Etat ne garantit absolument pas de le terminer au même moment. La Croatie et la Macédoine ont par exemple toutes les deux commencé leurs négociations pour l’ASA en 2000 mais cette dernière a rapidement été dépassée par la Croatie. Bien que l’ASA de la Macédoine ait été ratifié et soit entré en vigueur avant celui de la Croatie, la Croatie a pu commencer les négociations officielles dès 2005 et rejoindre l’UE en tant que membre en 2013, alors que la Macédoine n’a toujours pas obtenu l’ouverture des négociations pourtant recommandées dès 2009 par la Commission. De même, la Serbie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine ont ouvert leurs négociations pour un ASA en 2005 mais l’entrée en vigueur de l’ASA bosnien n’a eu lieu qu’en juin 2015 contre 2010 pour le Monténégro et 2013 pour la Serbie, en raison d’un temps de ratification particulièrement long (6 ans contre 2 à 3 ans en moyenne). A ce jour, la Bosnie Herzégovine n’est d’ailleurs toujours pas un Etat candidat officiel à l’adhésion, tout comme le Kosovo.

Il y a plusieurs explications à ces différentes évolutions, comme l’existence de niveaux de développement économique inégaux, de conflits territoriaux et politiques ou l’absence d’une volonté forte et constante de se rapprocher de l’UE.

La Croatie était le pays le plus développé économiquement dans la région et un des plus stables politiquement. Son parcours était donc plus simple et plus rapide même si les négociations officielles furent interrompues pendant quelques mois suite à un différend frontalier avec la Slovénie.

En Serbie, la perspective d’adhésion a rapidement été conditionnée à la participation à un processus de normalisation des relations avec le Kosovo, de facto indépendant mais toujours considéré comme faisait de jure partie de la Serbie. Malgré une reconnaissance du statut de quasi-indépendance du Kosovo, le sujet reste source de tensions dans la région et demeure un obstacle à l’adhésion serbe sur le long terme. Au Kosovo, le fait de ne pas être reconnu par plusieurs pays ralentit le rapprochement avec l’UE, bien que cela n’empêche pas les relations de progresser, notamment avec la signature d’un ASA en octobre 2015.

De son côté, la Macédoine est en conflit avec la Grèce à propos de son nom et souffre toujours de relations inter-ethniques tendues liées à la présence d’une minorité albanaise sur son territoire. Pour la Bosnie-Herzégovine, l’UE a particulièrement critiqué son manque de volonté politique et son non-respect de certains principes-clés (cf affaire Sejdic-Finci, CEDH), ce qui a conduit l’UE à lui verser moins d’aides financières.

En Albanie, l’ouverture des négociations est conditionnée à l’existence de progrès dans les domaines de la corruption et du crime organisé, un des problèmes actuels les plus urgents qui retarde le début des négociations d’adhésion. Enfin, au Monténégro, la situation est plus positive puisque le pays a commencé ses négociations il y a 3 ans et a déjà fermé plusieurs chapitres. C’est d’ailleurs ce pays qui apparaît aujourd’hui comme le 29e membre le plus probable de l’UE même si des améliorations notables sont attendues en ce qui concerne la liberté d’expression et la corruption.

Quelques liens pour approfondir :

Service Européen pour l’Action Extérieure 

Rapports annuels sur l’élargissement par la Commission (par pays)

 Politiques d’élargissement et de voisinage :

 Instrument d’Aide de Préadhésion (assistance financière)

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