Coup de projecteur sur l’Euro de football 2016 : les pronostics d’Eurosorbonne

C’est un rendez-vous que tous les amateurs de football attendent avec impatience : le 10 juin prochain va s’ouvrir à Paris la 15e édition du championnat d’Europe de football, avec le match d’ouverture France – Roumanie. 24 équipes vont s’affronter pour le titre de champion d’Europe, d’abord dans une phase de groupes (huit mini-championnats de quatre équipes formés par tirage au sort, chaque équipe affronte les trois autres), puis dans une phase finale (huitièmes, quarts, demies et finale) au cours de laquelle les meilleures équipes de chaque groupe s’affrontent dans des matchs à élimination directe. Avantage France ?

Malgré son statut de pays organisateur, la France ne part pas favorite.

Le privilège d’organiser le tournoi sur son sol a dispensé la France des matchs qualificatifs auxquels se sont pliées les autres formations depuis deux ans maintenant (à l’issue desquels les Pays-Bas ont notamment été éliminés). Par conséquent, l’équipe entrainée par Didier Deschamps n’a disputé que des matchs amicaux depuis la coupe du Monde 2014 au Brésil, soit deux longues années sans match à enjeu ! On peut se questionner sur le niveau de motivation et d’implication des équipes que les Bleus ont affrontées depuis 2 ans : l’Allemagne, par exemple (championne du Monde en 2014), était-elle au maximum de ses capacités lors de sa défaite 2-0 au stade de France le 13 novembre dernier ? L’absence d’un vrai « test » pour l’équipe de France est un véritable point noir de sa préparation de l’Euro et laisse une grande place aux incertitudes.

Également sujette à débat, la liste des 23 joueurs que Deschamps a finalement convoqués est loin d’être la liste des 23 meilleurs Français à leurs postes. Entre démêlés avec la justice (Benzema, Sakho) et blessures de dernière minute (Varane, Mathieu, Diarra), ce sont pas moins de 5 joueurs très importants à des postes clés qui manquent à l’appel. Ils obligent Deschamps à bricoler une équipe qui manquera forcément d’automatismes et d’expérience, à l’image de la défense, où la charnière centrale Koscielny-Rami a montré énormément de fébrilité lors des deux derniers matchs amicaux contre le Cameroun et l’Ecosse (3-2 et 3-0), ce qui n’est pas rassurant pour la compétition à venir. Une avalanche de forfaits qui n’épargne pas les autres équipes. L’Italie (Verratti, Marchisio), la Belgique (Kompany), l’Allemagne (Reus, Gundogan) ou encore l’Espagne (Costa) sont amputées de titulaires réguliers dont l’absence pourrait peser lourd dans la balance du tournoi.

Heureusement pour elle, la France a été plutôt ménagée par les tirages au sort des groupes de la phase préliminaire, en héritant de la Roumanie, de l’Albanie et de la Suisse, quand elle aurait pu tirer l’Italie, l’Ukraine, la Pologne ou la Suède, qui faisaient figure d’épouvantails. On peut donc raisonnablement attendre de la France qu’elle accède au moins aux huitièmes de finales, puisque pour cela elle doit finir dans les trois premiers de son groupe. De plus, la France pourra s’appuyer sur une attaque en état de grâce et un vivier impressionnant de joueurs offensifs capables de mettre à mal les défenses adverses. Les jeunes Antoine Griezmann, Paul Pogba, Anthony Martial et Kingsley Coman, qui disputeront tous leur premier Euro, ont prouvé lors des derniers matchs qu’on pouvait compter sur eux, et ils incarnent une réorientation de l’équipe vers l’attaque plutôt que la défense (13 buts marqués sur les 4 derniers matchs). Une chose est sûre : il y aura du spectacle à chaque match des Bleus !

Les équipes à suivre de cet Euro.

Outre la France qui dispute sa première compétition à domicile depuis le Mondial 1998 et sa fameuse victoire en finale contre le Brésil, d’autres équipes méritent qu’on s’y attarde : des favoris, des challengers, mais également des outsiders qui pourraient créer la surprise !

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Qui sont les potentiels vainqueurs de cet Euro 2016 ? © UEFA

Les favoris : l’Allemagne et l’Espagne

Trois titres à la suite. C’est ce que tenteront de réaliser les Espagnols. Mais pour cela, les vainqueurs des deux Euro précédents devront se frotter au groupe le plus compliqué et le plus ouvert de cette compétition. Remis de leur dernière désillusion au Mondial 2014, leur effectif permet de les classer parmi les favoris. L’Espagne, c’est du solide ! Des joueurs expérimentés de classe mondiale à chaque ligne, s’appuyant sur Andres Iniesta, le milieu de terrain et métronome de cette équipe. Leur force, ils la trouvent dans la cohésion, le jeu léché, technique, dispensé à l’école de la Liga BBVA, le championnat espagnol. Une multitude de passes précises et de déplacements intelligents qui rendent l’adversaire inefficace. Leur seul point faible notable peut venir d’une attaque en construction et de l’absence d’une grosse profondeur de banc (des joueurs remplaçants capables de changer la physionomie du match). Diego Costa blessé, Torres et Alcacer non sélectionnés, la tâche de finisseur reviendra à Morata, brillant depuis deux saisons à la Juventus de Turin. Sans gros défauts, la Roja part clairement favorite à sa propre succession.

L’Allemagne sera également un sérieux candidat à la victoire, forte d’un bilan avantageux sur les dernières compétitions majeures : finaliste de l’Euro 2008, demi-finaliste de la Coupe du monde 2010, demi-finaliste de l’Euro 2012, et surtout championne du monde en 2014. On prend les mêmes et on recommence ? Presque : le mythique gardien Neuer, la si solide défense Hummels-Boateng, mais aussi les milieux Schweinsteiger, Özil, Kroos, Müller et Gotze, le buteur de la finale contre l’Argentine, ont tous été reconduits par le sélectionneur Joachim Löw. Il faudra cependant faire sans deux joueurs ayant pris leur retraite : Miroslav Klose, meilleur buteur de la Nationalmannschaft avec 71 buts inscrits, et Phillip Lahm, capitaine et excellent défenseur latéral. Ceux qui avaient éliminé la France en quarts de finale du Mondial auront à cœur de réaliser le doublé en remportant l’Euro afin de se placer définitivement sur le toit du football européen. Petite ombre au tableau : les derniers matchs amicaux de l’Allemagne, avec entre autres une inquiétante défaite contre la Slovaquie (1-3). Mais elle s’est faite une spécialité d’enchainer à une préparation médiocre une compétition réussie. Si la France veut remporter l’Euro chez elle, il lui faudra à coup sûr se mesurer aux Allemands !

Les challengers : la Belgique et l’Angleterre

La Belgique, à la recherche d’un premier sacre dans une grande compétition, présente sur le papier l’une des meilleures équipes de cet Euro, s’appuyant sur une formation jeune et expérimentée à la fois. Le rêve pour tout sélectionneur. Le gardien Thibaut Courtois, à 24 ans, s’impose petit à petit comme l’un des meilleurs à son poste (classé 2e meilleur gardien du monde en 2015 juste après… Manuel Neuer). Le milieu offensif Kevin De Bruyne (24 ans également), transféré à Manchester City l’an dernier pour pas moins de 75 millions d’euros, pourrait faire très mal aux défenses adverses par sa faculté à casser les lignes et à prodiguer des passes décisives. Enfin, malgré une saison décevante, l’attaquant et capitaine Eden Hazard, dont les talents ne sont plus à prouver, aura à cœur d’emmener son équipe au plus haut. Ceux qu’on appelle les « Diables Rouges » ont cependant subit une véritable hécatombe en défense. L’ancien capitaine Vincent Kompany, véritable âme de cette équipe, considéré comme l’un des meilleurs défenseurs du monde, est blessé aux adducteurs depuis le mois de mai. Indisponibles, Thomas Vermaelen et Nicolas Lombaerts le sont aussi, obligeant le sélectionneur Marc Wilmots à recomposer sa défense sous des formes inédites. Malgré une défense en recomposition, le milieu de terrain et l’attaque impressionnants font de la Belgique l’une des équipes à suivre de cet Euro !

En Angleterre, finie la génération de joueurs « loosers » comme les Français aiment la décrire. Exit les Gerrard, Lampard, Terry… Génération talentueuse mais qui ne l’a jamais prouvé sur les grandes compétitions. Place à la jeunesse ! L’Angleterre arrive à l’Euro avec le groupe de 23 joueurs le plus jeune de la compétition. On y retrouve notamment un mélange entre l’expérience de Sir Wayne Rooney et la fougue du jeune Marcus Rashford, 18 ans seulement. L’attaque sera particulièrement à surveiller. Leur dispositif tactique permet d’utiliser pleinement deux attaquants de pointe, et il faut dire que l’Angleterre est fournie à ce niveau : Kane, Vardy, Sturridge, Rooney, Rashford. L’attaque et les milieux de terrain, positionnés en losange et totalement complémentaires, quadrillant le moindre petit bout d’herbe, permettront sûrement de compenser les quelques fébrilités du quatuor défensif. L’Angleterre est sortie de ses éliminatoires avec une image redorée et un peuple prêt à croire à un titre en juillet. Malheureusement, l’inexpérience internationale de son effectif pourrait lui être fatale au moment de passer une étape dans cette compétition. Le statut de challenger et non plus d’éternel favori permettra peut être à l’Angleterre de nous surprendre et de passer le cap.

Les outsiders : le Portugal et la Pologne

Le Portugal, traumatisé par sa défaite à domicile en finale de l’édition 2004 de l’Euro contre la Grèce, est également à la recherche d’un premier sacre international et sera emmené par celui qu’on ne présente plus, l’homme aux trois ballons d’or, qui vient de remporter avec le Real de Madrid sa troisième Ligue des Champions, Cristiano Ronaldo ! C’est sans conteste le point fort de cette équipe, tant il est capable de prendre un match à son compte et de marquer des buts quand il le faut, mais la Seleção s’appuiera également sur un savant mélange d’expérience des anciens et d’enthousiasme des jeunes arrivants. Pepe (33 ans), Bruno Alves (34 ans) et Ricardo Carvalho (38 ans) joueront peut-être leur dernière compétition internationale, quand Renato Sanches (18 ans), William Carvalho (24 ans) et Raphael Guerreiro (22 ans), par ailleurs auteur d’un superbe but contre la Norvège le 29 mai dernier, auront l’occasion de gagner leur place de titulaire pour les prochaines échéances. Enfin, il faudra compter sur le milieu de terrain João Moutinho, 83 sélections à son actif et métronome de l’équipe, bien connu des stades français puisqu’il évolue à Monaco. Equipe à surveiller !

La Pologne, cauchemar des commentateurs étrangers, et vous allez vite comprendre pourquoi, est aussi une de ces équipes reposant sur un joueur d’exception. L’attaquant Robert Lewandowski, auteur d’une saison d’exception avec le Bayern Munich, est de ces hommes qui, par leur vision du jeu et leur technique, sont capables d’emmener une équipe sur le toit de l’Europe. Après la déception de la dernière édition de l’Euro à domicile (elle n’a pas dépassé les phases de groupes), la Pologne aura fort à faire pour se qualifier dans un groupe C plutôt relevé réunissant avec elle l’Allemagne,  l’Ukraine et l’Irlande du Nord. Elle pourra néanmoins compter sur de nombreux joueurs d’expérience, comme le gardien Szczesny, le défenseur  Piscczek ou le milieu Krychowiak. Comme l’Espagne, le manque de profondeur de banc sera toutefois source de difficultés pour le sélectionneur Adam Nawalka, adulé dans son pays pour être le premier sélectionneur à avoir battu l’Allemagne : c’était en 2014, à Varsovie (2-0). Un évènement d’importance quand on connaît le passé non-sportif des deux pays. Un exploit qu’il faudra renouveler pour espérer gagner la compétition.

Pour vous faire une idée de ce que tout cela pourrait donner, voici nos pronostics (pas tout à fait objectifs !), que vous pouvez vous amuser à modifier à votre guise sur le site des Décodeurs du journal « Le Monde » (http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/visuel/2016/06/03/euro-2016-faites-vos-pronostics-et-partagez-les-avec-vos-amis_4933479_4355770.html).

Rendez-vous le 10 juillet pour la finale !

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Vincent Maubant et Guillaume Savary (étudiant en Master de Sciences Politiques à l’Université de Montpellier)

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