Quand l’Union européenne investit dans ses villes

Depuis une vingtaine d’année l’Union européenne s’est saisie des enjeux liés aux villes : pollution, transition énergétique, accueil des migrants ou encore démocratie locale, les villes font partie intégrante des objectifs européens.

Les villes concentrent, rassemblent et sont le terrain de problématiques liées au développement durable, au déficit démocratique, à l’importance de l’économie locale et des relations entre acteurs. Même si dans les traités, nulle mention n’est faite de compétences attribuées aux institutions en terme de questions urbaines, liées aux villes européennes et à leur banlieue, elles ont orienté leurs financements issus du FEDER notamment vers ces enjeux. Alors quels ont été ces programmes, leurs évolutions et leurs objectifs ? Petite visite guidée de la cohésion territoriale européenne, le Urban Pilot Projects, URBACT, l’UIA et compagnie !

La politique de cohésion territoriale

Le préambule du Traité de Rome (1957) mentionne que la CEE doit « assurer le développement harmonieux en réduisant les écarts entre les régions et en comblant le retard des moins favorisées ».

Cette politique est donc la genèse de l’investissement de l’Union européenne dans les questions régionales et urbaines dont on est témoins une trentaine d’années plus tard. Le but est d’investir dans les régions les plus défavorisées et en recul afin de créer une Union européenne unie et égale entre ses territoires. Cela met donc les questions territoriales au cœur des préoccupations européennes. Mais ces objectifs ont assez rapidement trouvé leurs limites puisqu’ils étaient lacunaires faces aux nombreux enjeux des régions insulaires, montagneuses ou victimes d’inondations fréquentes.

La deuxième date clé est la création du Fonds européen de développement régional (FEDER) en 1975. Ce fonds est doté de quatre champs d’application principaux et touche concrètement des projets en lien avec les transports, les technologies de communication, l’énergie, l’environnement, la pêche, etc. Cela permet de combler le manque d’expertise et de fonds des pays en retard sur les pays moteurs de l’économie européenne. Mais au milieu des années 1990, les institutions européennes décident de compléter leurs actions en faveur des problématiques environnementales liées aux villes : ce sont des lieux où se concentrent beaucoup de problèmes mais aussi des solutions innovantes !

Urban Pilot Projects, le premier programme dédié spécifiquement aux enjeux urbains

Contextuellement, ce programme s’inscrit dans une période où, au niveau de la scène internationale, l’UE est la seule grande puissance à être en mesure de prendre de réelles initiatives en faveur de l’environnement et de ces questions liées au réchauffement climatique. De nombreuses études pointent du doigt l’importance des villes puisqu’elles sont responsables de 80% des émissions de gaz à effet de serre, ce qui dessert les maires et l’appareil étatique. Des actions sont attendues.

Ainsi en 1990 est lancé le premier programme dédié aux villes : Urban Pilot Projects ! Ce programme est en quelque sorte l’ancêtre d’URBACT puisqu’il fonctionne sur la base d’une mise en concurrence, comme pour tout financement de projet. Chaque année, un appel à projets est lancé, auquel les porteurs de projets sont amenés à répondre. Ainsi, entre 1990 et 1993, ce sont 33 projets qui sont financés dans 11 États membres. Le cœur de ce programme est tourné vers des projets innovants en termes de régénération urbaine, suite aux nombreuses reconversions industrielles notamment. À titre d’exemple, à Athènes, il s’agissait de réhabiliter le Queen’s Tower Park en incluant des aspects environnementaux et sociaux. Ainsi, ce projet a permis l’emploi de 56 personnes durant le réaménagement du parc. Ce projet avait pour but de repenser ce lieu de façon à permettre aux habitants du quartier de changer leur vision sur l’environnement et le développement durable. Il comprenait 66 hectares de paysage et d’innovations durables, comme la reforestation, l’aménagement de routes cyclistes et piétonnes, l’installation de structures d’apprentissage au jardinage et à la culture bio, ainsi qu’un musée en plein air.

Une évolution vers une approche intégrée : URBACT & UIA

URBACT est financé en partie via les fonds du FEDER, à hauteur de 5%. Avec ce programme, l’Union investit dans des projets qui favorisent une approche intégrée du développement urbain durable. Cette approche a pour but de passer outre les blocages nationaux, souvent administratifs. Ainsi, les frontières entre service public, secteur associatif, secteur entrepreneurial et privé tentent d’être abolies par une collaboration entre ces différents acteurs, qui ne travaillent que très peu ensemble quand ils sont cantonnés aux systèmes nationaux.

Il s’agit donc de reprendre les objectifs et la ligne directrice initiés par UPP, en y intégrant une dimension supplémentaire : le nécessaire partage de nouveaux outils aux acteurs administratifs, fonctionnaires et acteurs du développement durable urbain dans le but de démocratiser cette approche intégrée dans le développement de projets urbains. Le but est de partager des good practices, des expériences qui servent de bons exemples, et ce sur le système du réseau. C’est-à-dire que les villes partagent leurs expériences quant aux projets menés afin de signaler au plus grand nombre ce qui fonctionne, ce qui peut être amélioré, ce qui n’aboutit pas.

Un programme récent, qui date de 2015, va encore plus loin et finance les projets les plus innovants. Il s’agit d’Urban Innovative Actions, qui se décrit comme le laboratoire urbain d’Europe et qui a lancé son deuxième appel à projets en décembre 2016. L’aspect original de ce programme est qu’il cherche l’élite de l’innovation, c’est-à-dire que pour pouvoir prétendre à un financement, un projet doit n’avoir jamais été testé ailleurs. La première phase a financé 17 projets, dont un à Clichy-les-Batignolles en région parisienne. Dans ce projet, l’idée inédite a été de nourrir un bâtiment avec quatre énergies renouvelables, et de créer un tableau qui calcule, dans chaque appartement quelle énergie reviendrait la moins chère et serait la moins consommatrice. Cette année, trois thèmes ont été retenus : l’économie circulaire, la mobilité et l’intégration des migrants et des réfugiés.

Aujourd’hui, URBACT est au coeur de son troisième cycle (2014-2020), mais URBACT II (2007-2014) représentait déjà 16 projets de capitalisation des expériences ; 61 réseaux sur des thèmes divers et variés comme la mobilité urbaine ou encore les espaces urbains abandonnés ; mais aussi 29 pays et 550 villes concernés ; 7000 acteurs locaux actifs ainsi que 32 séminaires à destination des fonctionnaires locaux.

Anais De Muret

Étudiante en Master 2 Études européennes, stagiaire chez URBACT, toujours en quête d’actions vertes et passionnée par la complexité et la diversité des villes européennes.

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