À quoi servent encore les monarchies européennes ? 

Morgane Labbé, monarchies

Bien que l’un de ses socles soit l’unité, les structures politiques qui composent l’Union européenne sont aussi diverses que variées. Ainsi, même si le référent dominant reste la République, sept États membres sur vingt-huit sont des monarchies. Cette minorité intrigue : quelle légitimité ont les monarchies dans la machine européenne ?

Onze monarchies composent actuellement le paysage européen. Sept d’entre elles font partie de l’Union européenne à savoir : la Belgique, le Danemark, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède. Bien qu’elles constituent une exception sur la scène européenne, ces monarchies se doivent de respecter le principe démocratique de l’Union ainsi que les valeurs et les normes qui la composent.

Des monarchies démocratiques qui ont façonné l’Union européenne

Gouvernés par des monarchies, ces États membres accordent en fait un rôle très symbolique aux monarques. Ainsi, au Royaume-Uni par exemple (encore membre de l’Union européenne jusqu’au printemps 2019), la reine Elizabeth II est consultée par le Premier Ministre -Theresa May- chaque semaine concernant les affaires politiques du pays. Si le roi des Belges, Philippe, est quant à lui doté de plus de pouvoir – puisqu’il est chargé de la formation du gouvernement de son pays – cette responsabilité est justement exercée avec un contrôle parlementaire.

Le pouvoir des monarques étant restreint, il est donc clair que des gardes fous ont été instaurés dans le système politique des couronnes membres de l’Union européenne. En effet, le régime politique des ces dernières se doit d’être constitutionnel et parlementaire, conformément aux principes démocratiques que supposent l’État de droit, la séparation des pouvoirs et le respect des droits de l’Homme et des minorités, critères d’éligibilités d’un État Membre pour adhérer à l’UE. Le pouvoir politique est donc généralement pratiqué par un Premier Ministre, qui peut être nommé par le Roi ou la Reine. Malgré cette restriction du pouvoir, la monarchie reste ancrée dans les mentalités puisque l’opinion publique reste en faveur de ce système politique. L’image du monarque est en effet intrinsèquement liée à l’idée d’unité nationale, notamment dans des crises de types économiques, militaires ou encore terroristes.

Outre leur minorité dans l’Union, il serait nul et non avenu de ne pas reconnaître le rôle qu’ont joué les monarchies dans le processus d’intégration européenne. Il est vrai qu’à l’aube de la construction européenne, lors de la signature du traité de Bruxelles en 1948 qui abouti à la création de l’Union occidentale (future Union de l’Europe occidentale), seule la France représentait le modèle républicain dans cette première organisation réunissant également le Royaume-Uni et les pays du Benelux.

Des monarchies européennes mises à mal

En novembre dernier, la Flandre, moitié nord de la Belgique, a manifesté une nouvelle fois son mécontentement à l’égard de la couronne. Suite à une question demandant s’il fallait maintenir la monarchie dans sa forme actuelle, 59% des Flamands déclaraient vouloir changer la fonction de la monarchie (pour la rendre plus protocolaire). Cette étude, montée par l’Institut d’enquête d’opinion sociale et politique et le Centre d’enquête sociologique, dépeint une réelle désaffection de cette région belge pour la monarchie.

Un autre facteur traduit cette désaffection de la population vis-à-vis de la couronne belge : la télévision. En effet, le mois suivant la publication des réponses à cette question, la chaine de télévision VTM (Vlaamse Televisie Maatschappij, « Société de télévision flamande ») annonçait l’arrêt définitif de la série « Royalty » (série phare de la chaîne retraçant la vie d’une famille royale). Le motif ? La monarchie ne semble plus intéresser les jeunes spectateurs. L’analyse est la même pour la chaîne puisque ce sont selon eux les flamands qui se détourneraient le plus de la couronne. Ainsi, à la question « A-t-on encore besoin d’un souverain en Belgique ? », la réponse était négative pour plus de 38% des Flamands dans une région ou seulement 28% de la population fait confiance au roi des Belges. Près d’un quart des Flamands pensent à la suppression de la monarchie en Belgique. Au total donc, plus de 60% des Flamands veulent soit une monarchie protocolaire, soit une république.

Néanmoins, si la figure du roi s’apparente à l’unité en Belgique, la remise en cause de ses fonctions remet indirectement en cause l’unité belge. En témoigne la réponse de la région de Wallonie qui estime à 56,6% que le roi est un « rempart contre le séparatisme ».

Symbole d’unité ou de dislocation nationale ?

Cette année, c’est le référendum sur l’autodétermination du 1er octobre qui plonge la Catalogne, mais aussi Madrid et l’Union européenne dans une crise du modèle monarchique. En effet, cette velléité indépendantiste de la Catalogne est un affront direct à l’unité de la couronne madrilène, symbolisée par la figure du roi Felipe VI.

Ce référendum, illégal aux yeux de la Constitution et de la couronne, a été violemment critiqué par le roi madrilène lors de son discours retransmit à la télévision le 3 octobre. En effet, le roi « sait que la monarchie espagnole n’a de justification que si elle permet le bon fonctionnement de la Constitution », précise l’historien Benoît Pellistrandi (auteur d’Histoire de l’Espagne, Perrin). Qualifiant Carles Puigdemont de « hors la loi », le jeune roi Felipe VI applique l’exemple donné par son père en 1981 lorsqu’un putsch militaire venait menacer la stabilité démocratique de la jeune république espagnole.

Lire aussi >>> Les aspirations indépendantistes : un nouveau défi pour l’Union européenne

A l’échelle européenne, le cas catalan inquiète. En effet, laisser libre cours à l’indépendance de la Catalogne reviendrait à ouvrir la porte aux régionalismes lombard mais aussi flamand, engendrant une véritable implosion de l’Union européenne avec à la clé, d’épineuses questions autour de l’adhésion de ces nouveaux États.

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