Adhésion des Balkans : une intégration en plusieurs étapes

Lors d’un discours prononcé en novembre dernier lors d’une conférence de presse à Bruxelles, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a affirmé que « la Serbie et le Monténégro seront membres de l’Union européenne avant 2025 ».  Cependant, la route est encore longue pour ces deux pays, qui doivent remplir une importante liste d’exigences, et encore plus lointaine pour les autres États de la région.

Quinze ans après le sommet de Thessalonique de 2003, qui visait à évaluer les avancées des Balkans en vue d’une intégration possible dans l’Union européenne, ce dossier est remis sur le tapis suite à la publication par la Commission européenne d’une stratégie pour relancer le processus d’adhésion des pays de la région, impulsée par Johannes Hahn, commissaire européen pour l’intégration européenne et Federica Mogherini, cheffe de la diplomatie européenne.

Si les Balkans espèrent rejoindre l’Union européenne, ils doivent respecter une cinquantaine de recommandations regroupées sous deux angles majeurs : l’achèvement des réformes et la résolution des conflits inter-étatiques. En effet, Jean-Claude Juncker a récemment averti les pays de la région que sans apaisement de leurs conflits frontaliers, leur intégration serait compromise. De plus, ces pays, durement affectés par la corruption et la violence, n’ont toujours pas enclenchés les réformes nécessaires pour lutter contre ces fléaux.

Lire aussi >>> L’élargissement européen dans les Balkans occidentaux

Il est d’autant plus judicieux pour l’Union européenne d’avoir des échéances proches en raison des projets potentiels d’autres grands pays pour la région. Selon le chef de la diplomatie hongroise Peter Szijarto, 2025 est un horizon trop éloigné : « Il est évident que les États-Unis ont une stratégie pour les Balkans occidentaux, la Russie a une stratégie pour les Balkans occidentaux, la Turquie a une stratégie pour les Balkans occidentaux, seule l’Union européenne est extrêmement lente ».

2025 : une date clé pour le Monténégro et la Serbie

Les négociations d’adhésion sont ouvertes depuis 2012 pour le Monténégro. La Commission européenne a souligné que ce pays doit encore faire des efforts s’il espère pouvoir intégrer l’Union européenne d’ici 2025. Il est tenu de mener des réformes indispensables pour l’affirmation de l’État de droit, la lutte contre la corruption et la criminalité organisée. L’exécutif européen a qualifié l’échéance de 2025 de perspective ambitieuse, ce qui a déçu le Mouvement européen, un lobby pro-européen monténégrin, qui a jugé « décourageant que Bruxelles considère 2025 comme une perspective extrêmement ambitieuse ».

Lire aussi >>> Le Monténégro, un bon élève encore loin de l’adhésion

Du côté serbe, les négociations sont ouvertes depuis 2014. Parmi les dossiers qu’il faut régler au plus vite avant de pouvoir intégrer l’Union, l’affirmation de l’État de droit, les réformes économiques et un apaisement des relations avec le Kosovo, qui s’est proclamé indépendant du pays en 2008, de manière unilatérale avec le soutien d’une partie de la communauté internationale. Le président de la République serbe Aleksandar Vučić a notamment affirmé que « les Serbes, dont beaucoup de citoyens restent attachés à l’alliance historique avec Moscou, doivent notamment prendre des décisions difficiles sur le Kosovo, dont Belgrade ne reconnaît pas l’indépendance ».

Lire aussi >>> Serbie : une Première ministre atypique dans un pays conservateur

Cependant, Jean-Claude Juncker a rappelé que 2025 était une « date indicative et d’encouragement » puisque l’objectif d’adhésion dépend des réformes menées dans ces deux pays. Lors de sa visite dans les Balkans entre le 26 janvier et le 1er mars, il a rajouté : « La porte de l’UE est ouverte à de nouvelles accessions quand, et seulement quand, chaque pays aura rempli les critères ».

En Albanie et en Macédoine, les pourparlers commenceront bientôt

Candidate officielle depuis 2014, l’Albanie espère pouvoir ouvrir les négociations en 2018. Critiquée depuis des années par l’Union européenne concernant la nomination de ses juges, elle a mené une réforme de la justice en 2016 pour que ceux-ci soient moins vulnérables à la politisation et à l’ingérence politique. C’est un grand pas pour le rapprochement entre le pays et l’Union européenne. La délégation de l’UE à Tirana a salué une « décision historique qui va contribuer à la lutte contre la corruption et le crime organisé, priorités clés » pour le rapprochement de l’Albanie du bloc européen.

De son côté, la Macédoine, candidate officielle depuis 2005, doit régler le différend qui l’oppose à la Grèce concernant son nom. En effet, la Grèce refuse catégoriquement que la Macédoine utilise ce nom, car c’est le même que la région de Thessalonique, au nord de la Grèce. Des manifestations ont éclaté à Athènes pour tenter de s’opposer aux pourparlers actuellement en cours entre les deux pays. Le gouvernement d’Alexis Tsipras a proposé « Macédoine du Nord », proposition refusée par la population grecque, qui s’oppose à l’utilisation du nom « Macédoine ».

La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo, des dossiers en attente

La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo, considérés seulement comme des candidats potentiels, ne semblent pas prêts d’intégrer l’Union européenne. Sarajevo a remis il y a quelques jours à la Commission européenne un dossier de plus de 20 000 pages qui contient les réponses aux 3 242 questions posées par l’Union. Ce dossier doit permettre à l’Union de faire le point sur les avancées économiques, sur le respect des droits de l’homme, l’État de droit et la lutte contre la corruption dans le pays. En déplacement à Sarajevo, Monsieur Juncker a déclaré que « l’Europe et la Bosnie-Herzégovine marchent désormais ensemble vers l’avenir ». Aucune date d’adhésion n’a cependant été avancée.

Au Kosovo, la situation est beaucoup plus compliquée. Parmi les 28 membres de l’UE, cinq ne reconnaissent pas le Kosovo : l’Espagne, la Grèce, Chypre, la Roumanie et la Slovaquie. En effet, selon l’Espagne, l’indépendantisme catalan pourrait inspirer un scénario kosovar, ce que le gouvernement madrilène ne souhaite en aucun cas. Deux autres obstacles se présentent au Kosovo : l’accord frontalier que celui-ci doit signer avec le Monténégro et les accusations pour crimes contre l’humanité et trafic d’organe portées à l’encontre de l’Armée de libération du Kosovo (UÇK).

Nicolas Filippi

Rédacteur au sein du journal d'Eurosorbonne, je suis particulièrement attaché aux questions concernant les droits de l'homme, la démocratie et l'Etat de droit.

Articles recommandés