Sommet de Bratislava : cinq choses à retenir

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Le 16 septembre dernier, à Bratislava (Slovaquie), s’est tenu un sommet informel entre les 27 dirigeants des Etats membres de l’Union européenne. Pour la première fois depuis l’entrée du Royaume-Uni dans l’UE en 1973, aucun représentant britannique n’était présent.

Dans une période de crise multiforme comme celle que traverse en ce moment l’Europe, une prise de position claire et unie des dirigeants européens étaient très attendue. En effet, les Etats membres n’ont jamais semblé si désarmés qu’actuellement, alors que les citoyens européens ont besoin d’être rassurés sur nombre de questions très importantes, comme les migrations ou les politiques économiques.

Les conséquences du Brexit se font sentir

La déclaration officielle de Donald Tusk, le président du Conseil européen, à la clôture du sommet, appelée « feuille de route de Bratislava », montre l’importance du vote sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE sur le reste de l’Union. Il insiste sur l’urgence de faire preuve d’unité à un moment où les Etats membres sont divisés sur la manière de procéder quant au destin des Britanniques. La feuille de route stipule donc que le sommet a été consacré à « l’analyse commune de l’état actuel de l’Union européenne et à l’examen de notre avenir commun », une formulation bien générale.

Cette déclaration formule aussi des propos qui se veulent rassurants à l’attention des peuples européens qui semblent perdre toujours plus confiance dans la capacité des institutions européennes à régler les crises auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontés. C’est ainsi que les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres s’engagent à mieux communiquer entre eux, ainsi qu’à s’exprimer dans un « langage clair et honnête » et à ne pas céder aux poussées « extrémistes ou populistes » qui font rage à l’est comme à l’ouest de l’Europe.

Quelques unes des mesures concrètes évoquées

L’afflux massif de réfugiés ayant mis pied sur le sol européen surtout depuis la deuxième moitié de l’année 2015 pousse les dirigeants européens à concentrer leur attention sur les politiques concernant les migrations. Dans la feuille de route, ils affirment leur « ferme détermination à mettre en œuvre la déclaration UE-Turquie », qui engage la Turquie à retenir sur son territoire les migrants qui souhaiteraient s’installer dans les Etats membres de l’UE, en échange de fonds pour l’aider à gérer la crise humanitaire dans son pays. Il est aussi fait mention « du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, dont l’existence est à présent consacrée par un instrument législatif », et qui devrait donc être bientôt mis en place.

Après les nombreux attentats terroristes qui ont touché le territoire européen ces derniers mois, parmi les préoccupations principales des citoyens européens figurent en bonne place la sécurité extérieure et la défense. La feuille de route fait état d’une discussion à ce sujet entre les dirigeants européens à Bratislava, mais force est de constater qu’aucune réelle mesure n’a été prise. En effet, ils ne font que repousser la décision aux prochains sommets, à travers une déclaration très floue : ils s’engagent à « prendre, lors du Conseil européen de décembre, une décision relative à un plan de mise en œuvre concret portant sur la sécurité et la défense et aux moyens de mieux tirer parti des possibilités qu’offrent les traités ».

Un sommet présenté comme un échec par la presse

Libération, dans un article daté du 16 septembre, affirme que le principal problème de l’UE est représenté par le Conseil européen, que le journal qualifie de « lieu où les chefs d’État et de gouvernement dirigent, dans le secret le plus total et en l’absence de tout contrôle démocratique, l’Europe ». En effet, la prise de décision à l’unanimité au sein de cette instance intergouvernementale de l’UE, ainsi que les discussions à huit clôt font partie des principaux reproches faits à l’Union. Le sommet de Bratislava a suivi le même modèle, et à part les conférences de presse effectuées par chaque dirigeant européen à sa presse nationale, ainsi que la déclaration officielle de Donald Tusk, il est impossible pour le grand public de savoir ce qu’il s’y est réellement dit.

Le 17 septembre, au lendemain du sommet, c’est La Repubblica qui résume parfaitement en une formule le sentiment que l’on a à la lecture des journaux et des réactions : le quotidien italien fait état d’une « unité de façade sur le Brexit mais de divergences profondes sur tout le reste ». Les dirigeants européens présents à Bratislava ce 16 septembre n’auraient donc réussi à rassurer les citoyens européens que sur le fait que les 27 Etats membres souhaitent avancer main dans la main, tout en étant incapables de déterminer la direction à prendre.

Une volonté d’unité mais une désunion flagrante

La plus grande preuve de désunion nous est offerte par Matteo Renzi, le Président du Conseil italien, qui exprime une critique acerbe du sommet, bien qu’il y ait lui-même participé. En effet, il a confié au quotidien italien Il Corriere della Sera que « si les choses continuent ainsi, au lieu de l’esprit de Bratislava, nous parlerons du fantôme de l’Europe ». Il semble qu’il fasse aussi référence à la conférence de presse commune tenue par François Hollande et Angela Merkel à l’issu du sommet, à laquelle Matteo Renzi avait refusé de participer. Le premier ministre italien s’est aussi exprimé dimanche dernier sur la crise des réfugiés qui touche tout particulièrement le sud de l’Italie, toujours au Corriere della Sera : “Il est juste de sauver tout le monde en mer, mais il n’est pas juste d’accueillir tout le monde en Sicile ou dans les Pouilles “. Depuis l’annonce du Brexit, France, Italie et Allemagne avaient réussi à faire preuve d’une certaine unité, unité qui semble désormais voler en éclats.

Quelques réactions d’hommes (et de femmes) politiques

C’est sur Twitter que Guy Verhofstadt, président du groupe ADLE (démocrates et libéraux) au Parlement européen, et européen convaincu, partage son avis dans un post virulent contre la vanité des conclusions qui ressortent du sommet : il estime qu’aucun accord sur de vraies réformes n’a été trouvé, et invite l’UE à arrêter les déclarations vides et à travailler pour une nouvelle Europe.

Constance Le Grip, députée européenne appartenant au Parti Populaire Européen (PPE, droite), a critiqué avec véhémence les conclusions du sommet lors d’un communiqué intitulé « UN SOMMET POUR RIEN ! » publié le 19 septembre sur son site – ainsi que sur le site de Les Républicains. Elle y qualifie les propos tenus à Bratislava de « flot de généralités et de banalités », ajoutant ensuite que la rencontre « a accouché d’un document d’une platitude infinie, aux éléments cuits et recuits ».

L’objectif du sommet informel de Bratislava était celui de retrouver une cohésion entre les Etats membres de l’UE, alors qu’elle est confrontée pour la première fois de son histoire à la volonté d’un d’eux d’en sortir. Hélas, il semble que cet objectif n’ait pas été atteint. Rendez-vous au début de l’année 2017 à Malte pour une autre rencontre informelle.

Mathilde Ciulla

Mathilde Ciulla

Ancienne co-rédactrice en chef d'Eurosorbonne, passionnée d'Europe et de politique, convaincue que parler d'Europe rapproche les Européens!

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