Europe forteresse : la carte des murs aux frontières

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La crise migratoire sert d’argument aux gouvernements pour renforcer leurs frontières en érigeant des murs et en créant une forteresse européenne, en dépit des valeurs et des traités de l’Union européenne. Eurosorbonne décrypte le phénomène et vous propose, en fin d’article, une carte interactive des murs et barrières en Europe.

Il y a 27 ans, le mur de Berlin tombait. L’opinion allemande et européenne espérait alors un monde plus ouvert, sans frontière, plus solidaire. La création de l’espace Schengen en 1990 renforçait cette idée de libre circulation. Pourtant, à l’heure de la mondialisation, du libre échange et de la communication internationale rendue possible par internet, les frontières terrestres se referment. 70 murs sont construits ou en prévision dans le monde, totalisant 40 000 km de bordures contrôlées, soit la circonférence de la Terre. C’est cinq fois plus de murs qu’en 1989, leur construction ayant été accélérée avec le 11 septembre 2001 et la crise économique de 2008. Il a été prouvé depuis longtemps que les murs ne limitent pas du tout l’immigration, mais changent les circuits migratoires, les rendant au fil des années de plus en plus dangereux et enrichissant toujours plus les passeurs. Pourtant les gouvernements (et plus particulièrement les occidentaux) voient dans l’érection de ces forteresses un symbole de leur souveraineté nationale, mise en péril par des civils en détresse.

Des murs poussent tout autour du monde

Donald Trump, nouvellement élu à la présidence des États-Unis, a fondé sa campagne sur la promesse d’une immigration sélective et stricte, en déclarant : “Je vais construire un grand, grand mur sur nos frontières du sud. Et je vais le faire payer par le Mexique”. La barrière de séparation israélienne, officiellement destinée à protéger la population des territoires palestiniens, a été condamnée par l’ONU, et la Cour internationale de justice a exigé son démantèlement, non suivi par l’État d’Israël. Au Cachemire, l’Inde tente d’enrayer l’immigration pakistanaise, en installant un long grillage renforcé par des miradors. Les morts sont nombreux chaque année. L’Arabie saoudite a décidé de se protéger du monstre qu’elle a contribué à créer, l’État islamique, en amorçant la construction d’un mur de près de 1000 km. Il sera le plus moderne du monde, avec des radars, des capteurs de chaleur, des détecteurs de mouvements et l’ordre de tirer à vue sur quiconque s’en approchera.

L’Europe s’enferme dans une forteresse sécuritaire

L’Europe, bastion des défendeurs de la liberté, élève modèle de l’égalité et donneur de leçons des droits de l’Homme, n’est pas en reste. Depuis une vingtaine d’années, les frontières extérieures de l’Europe sont de plus en plus fermées, et l’espace Schengen lui-même fait face à des constructions sécuritaires, velléités de gouvernements nationaux. Dès les années 90, l’Espagne met en place des barrières le long de ses deux enclaves de Melilla et Ceuta, au Maroc. Puis les frontières entre l’Europe du sud-est et la Turquie se sont développées : la Grèce, supportée par l’Union européenne, a érigé un mur très peu efficace mais symbolique entre son territoire et la Turquie, imitée en 2014 par la Bulgarie.

>> Pour aller plus loin : Pour se protéger, l’UE se dote d’un nouveau corps de gardes-frontières

En 2015, le gouvernement hongrois de Viktor Orbán décide de matérialiser la frontière entre la Hongrie et la Serbie ainsi qu’avec la Croatie. Un rideau de fils de fer barbelés tombe sur l’Europe : 175 km pour la Serbie et 70 km pour la Croatie. Si la Serbie ne fait pas partie de l’Union européenne, la Croatie l’a rejoint en 2014 et est également censée adhérer à l’espace Schengen. Orban a mis en place une loi criminalisant le franchissement de la frontière et la Hongrie a apporté son soutien financier à la Macédoine pour matérialiser ses frontières. L’Autriche suit de près son allié hongrois et a annoncé la construction d’une barrière de sécurité avec la Slovénie, pourtant membre de l’espace Schengen. Elle a aussi décidé de réinstaurer le contrôle aux frontières italiennes et hongroises.

Le mur de Calais : la frontière entre la jungle et l’eldorado

L’un des murs les plus contestés d’Europe est le mur anti-immigration (mais présenté comme un mur anti-bruit) construit entre la jungle de Calais et le port permettant de rejoindre le Royaume-Uni. Alors que des milliers de réfugiés s’amassaient dans la pauvreté et la misère la plus totale, avec l’espoir de rejoindre l’Angleterre, la France a entamé la construction d’un mur de 30 km, financé par le Royaume-Uni. La municipalité de Calais a fait savoir qu’elle s’opposait à sa construction, si la jungle était démantelée (ce qui a été le cas, le 24 octobre). Mais le mur, hautement symbolique, est toujours en construction. Ces forteresses qui poussent partout en Europe semblent vouloir envoyer un message fort aux potentiels réfugiés : vous n’êtes pas les bienvenus.

>> Lire aussi: Comment défendre encore l’Union européenne ?

Sur la carte ci-dessous, cliquez sur les zones oranges pour obtenir des informations et des photographies sur les murs déjà construits en Europe, sur les zones bleues pour ceux en cours de construction et sur les zones violettes pour les murs en projet.

Elena BLUM

 

Elena Blum

Ancienne présidente d'Eurosorbonne, co-fondatrice du journal, journaliste professionnelle, j'aime le bourgogne blanc, les chats et l'idée d'une Europe sociale.

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