Le trilogue, véritable moteur de la machine de l’Union européenne

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Selon Euractiv, entre 1999 et 2007, 40% des propositions de l’UE ont été examinées en trilogue. En moyenne, environ 25 trilogues ont lieu chaque semaine où le Parlement siège. Mais, même s’ils sont aujourd’hui une partie intégrante des décisions communautaires, les trilogues n’existent pas sur le plan juridique et n’apparaissent pas dans les traités de l’Union européenne. Cette pratique a déjà été plusieurs fois remise en cause et a récemment fait l’objet d’une enquête de la médiatrice européenne.

Au niveau de l’Union européenne, les trilogues sont des réunions informelles entre les institutions européennes lorsque le Parlement européen et le Conseil des ministres doivent se mettre d’accord sur un projet de loi. La Commission européenne se joint aux négociations et l’objectif est d’aboutir à un compromis.

Faciliter et accélérer les négociations

Normalement, c’est le comité de conciliation qui est censé permettre de surmonter les désaccords entre les institutions européennes : il intervient après la deuxième lecture du Parlement lorsqu’aucun accord n’est trouvé. Un petit nombre de membres du Parlement et du Conseil ont alors six semaines pour trouver un accord, sinon le texte est abandonné. Dégager un compromis entre des dizaines de législateurs sur un sujet qui s’annonce donc délicat en si peu de temps, c’est très compliqué. Alors que les durées des premières et deuxièmes lectures sont beaucoup plus longues. C’est donc généralement là qu’interviennent les trilogues.

En outre, aujourd’hui, les législateurs sont activement encouragés à aller plus vite dans l’adoption de la législation de l’Union, et le processus du comité de conciliation a globalement été laissé de côté.

La forme d’un trilogue n’est pas clairement définie, elle s’adapte en fonction des discussions et le contenu et les objectifs varient beaucoup. Finalement, la procédure législative ordinaire qui permet de voter les actes a été transformée en accords pragmatiques entre les trois institutions. Les procédures formelles ne font que marquer les accords.

Remise en cause de la transparence et de la démocratie dans l’Union européenne

Le 28 septembre 2015, la médiatrice européenne a organisé une table ronde pour débattre de la place du trilogue dans le processus législatif européen.

Pour être le plus efficace possible, les trilogues ne réunissent qu’un nombre très restreint de membres du Parlement et du Conseil. Seule une poignée de membres du Parlement sont impliqués dans un processus de trilogue, et ils sont issus des partis les plus influents. Les parlements nationaux, très peu représentés, se plaignent qu’avec le trilogue, il est encore plus difficile pour eux d’influencer le processus législatif. Les négociations se passent à huit-clos et l’on oublie l’idée de débat public des comités de conciliation. Le public n’a aucun moyen de savoir comment se déroulent les débats.

Mais l’accord qui se dégage à la fin du trilogue est souvent bien éloigné de l’accord d’origine.

En outre, face à la nécessité de légiférer, l’efficience des lois est mise de côté et la qualité même de la loi est remise en cause, entraînant une incertitude sur le bon fonctionnement de la loi. Le trilogue produit plutôt des « actes délégués », qui complètent ou modifient les actes principaux, mais ceux-ci sont produits par la Commission, c’est-à-dire l’institution qui, parmi les trois, n’a pas de véritable légitimité démocratique. Contradiction donc avec le concept de démocratie parlementaire. De surcroît, si elle le souhaite, la Commission peut décider de se comporter comme un exécutif politique : en vertu des traités, elle peut rejeter un amendement proposé durant le processus législatif ordinaire, elle exige d’avoir aussi ce pouvoir lors des trilogues et des comités de conciliation.

Le futur du trilogue

Finalement, la médiatrice européenne insiste sur le problème de transparence de ces « raccourcis de la législation européenne », surtout alors qu’il se généralisent, voire qu’ils deviennent quasi systématiques. Mais l’objectif des trilogues est aussi de pouvoir répondre à la pression de l’Union européenne sur les législateurs : ils doivent trouver des compromis, et rapidement. EurActiv a donc tout de même noté que cette prolifération des trilogues fait évoluer le système législatif et permet une « production législative » efficace !

La médiatrice propose plusieurs solutions pour améliorer la transparence du système : cesser d’y recourir systématiquement, réguler donc leur fréquence avec la mise en place d’un plafond, justifier publiquement son usage et n’envisager la présence de la Commission que sur demande des co-législateurs pour confiner son rôle à celui de médiateur. Elle n’envisage donc pas une suppression du trilogue mais plutôt une meilleure régulation en insistant sur la transparence, sans doute car ces trilogues sont peut-être finalement le « principal moteur » de la machine de l’Union européenne.

Noémie CHARDON

Noémie Chardon

Secrétaire générale de l'association et membre du pôle journal d'Eurosorbonne, je suis particulièrement intéressée par le domaine du droit européen.

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