Les Ukrainiens pourront désormais visiter l’UE sans visa

Mathilde Ciulla Ukraine UE visa

Le 17 mai 2017, Petro Porochenko, le président de l’Ukraine, rencontrera Antonio Tajani, le président du Parlement européen, en marge de la plénière à Strasbourg où il signera le règlement européen autorisant les citoyens ukrainiens à voyager dans l’Union européenne (UE) sans visa.

Depuis l’accord d’association signé en 2014 entre l’UE et l’Ukraine, cette exemption était en suspens. Quelques mois après la signature de ce texte commençait la guerre entre la Russie et la partie est de l’Ukraine après l’annexion de la Crimée par le voisin russe : ce rebondissement a largement compliqué les négociations.

Un processus long et fastidieux

En décembre 2015, la Commission européenne reconnaissait que l’Ukraine remplissait tous les critères autorisant l’exemption de visa pour ces ressortissants. Mais ce n’était que le début d’un long processus qui fait attendre encore près d’un an et demi aux Ukrainiens pour se voir dans les faits donner ce droit : le Parlement européen ne votait que début avril dernier la mesure, que le Conseil européen validait ensuite le 11 mai. En cause la France et l’Allemagne qui faisaient durer les négociations au Conseil. Les deux pays craignaient en effet une réaction de leur opinion publique où le débat sur l’immigration fait rage et ne voulaient pas risquer de diviser encore plus leur société.

La France et l’Allemagne réussissaient ainsi à obtenir des garanties, pour s’assurer que le texte ne provoquerait pas d’opposition massive à l’intérieur de leur pays : des mesures d’exception sont alors ajoutées au règlement, ce qui permettra une réintroduction rapide des visas dans certaines situations. Ce règlement permet donc aux Ukrainiens disposant d’un visa biométrique de se rendre dans l’UE « pour un séjour dont la durée n’excède pas 90 jours sur toute période de 180 jours », comme l’affirme le communiqué de presse du Conseil européen daté du 11 mai dernier. Ils ne peuvent ni y travailler ni y résider, mais ils sont autorisés à venir « pour affaire ou à des fins touristiques ou familiales ». Par ailleurs, les portes de l’Irlande et du Royaume-Uni leur sont fermées s’ils n’ont pas de visa.

Une victoire diplomatique pour Petro Porochenko

Pour Petro Porochenko c’est assurément une grande victoire symbolique : il prouve à sa population qu’il poursuit les objectifs de la diplomatie envers l’UE qu’il s’était fixé pendant son élection. Il semble aussi envoyer un message à la Russie, affirmant que l’Ukraine poursuit sa volonté de se rapprocher de l’Union. « Ce sera sans doute l’un de mes voyages les plus importants des trois premières années de ma présidence » a affirmé le président de l’Ukraine, prouvant l’importance de cet accord. L’Ukraine rejoint donc la Géorgie et la Moldavie qui possèdent déjà cette exemption.

Du côté de l’UE, c’est une prise de position en faveur de l’Ukraine dans la guerre qui continue à opposer sa moitié est au voisin russe : l’UE indique que l’Ukraine est un partenaire clé, et qu’elle n’est pas prête à l’abandonner dans le conflit. Bien que les États membres ne soient pas réellement engagés dans cette guerre et que la levée des sanctions envers la Russie fasse de plus en plus partie des débats nationaux et européens, cette exemption est tout de même un signe positif envoyé aux Ukrainiens.

Une victoire à relativiser ?

Toutefois, ce ne sont pas tous les Ukrainiens qui pourront se rendre librement dans l’Union européenne : une des conditions est d’être en possession d’un passeport biométrique. Mais seulement 3 millions d’Ukrainiens sur les 45 millions d’habitants que compte le pays en ont un, ce qui signifie qu’une partie non négligeable de l’Ukraine ne sera pas concernée par cette mesure.

Par ailleurs, les mesures d’exception demandées – et obtenues – par la France et l’Allemagne comme condition à cette exemption de visa sont une limite de plus à cette circulation de la population ukrainienne. Les conditions de ces mesures sont en effet facilement applicables par les États membres de l’UE et risquent donc de l’être assez fréquemment : en cas de pression migratoire élevée – comme c’est le cas depuis 2015 – ou si trop d’Ukrainiens restent sur le territoire européen alors que la durée de leur séjour autorisé sans visa est dépassée.

Le règlement doit encore être signé par le Parlement et le Conseil, mais le plus difficile a été accompli, et les Ukrainiens devraient donc pouvoir circuler librement dans l’Union européenne à partir du mois de juin. Une victoire diplomatique alors que le conflit avec la Russie fait encore rage dans l’est de l’Ukraine.

Mathilde Ciulla

Ancienne co-rédactrice en chef d'Eurosorbonne, passionnée d'Europe et de politique, convaincue que parler d'Europe rapproche les Européens!

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