La Chine dans le régime climatique : nouveau poids lourd de la scène internationale ?

Première émettrice de dioxyde de carbone (CO2), la Chine s’impose dorénavant par son importance dans la gouvernance climatique face à une Union européenne en perte de vitesse, et les États-Unis de Donald Trump.

Dans son discours inaugural de la COP21 de Paris en décembre 2015, le Président chinois Xi Jinping a cité Victor Hugo : « Quand on est face à des défis extrêmes, on trouve des solutions extrêmes ». Au-delà du clin d’œil d’ordre culturel, le Président chinois a donné le ton quant à l’ambition de son pays de devenir un leader mondial dans les Conferences of Parties, ou COP, qui parachèvent chaque année les négociations climatiques. S’inscrivant dans la foulée de la Conférence de Rio de 1992, ces événements hautement médiatisés sont l’occasion pour les grandes puissances d’affirmer une position et de s’élever au-dessus de la mêlée. C’est le moment de montrer la volonté qui anime les dirigeants politiques pour arriver à un monde moins émetteur en gaz à effet de serre. Avec la participation à la gouvernance mondiale du climat, la COP21 est devenue le point d’apogée d’une coopération internationale rarement aussi unanime.

La récente sortie de l’Accord de Paris signé lors de cette COP par les États-Unis sous l’administration de Donald Trump pose de nombreux problèmes politiques et économiques, notamment en ce qui concerne la possibilité d’appliquer un tel accord sans la première puissance mondiale, mais également sur la volonté des autres pays signataires de s’astreindre à un régime vert alors que la concurrence américaine ne se soucie visiblement pas de l’impact climatique qu’elle peut avoir. La réaction chinoise a cependant été marquante et bien plus forte que celle de l’Union européenne sur la question. Lors de la COP22 de Marrakech en décembre 2016, Xi Jinping déclarait que la Chine s’inscrirait quoi qu’il arrive dans la dynamique de l’Accord de Paris, quelle que soit la décision des États-Unis.

Les motivations chinoises : pourquoi cette quête de leadership ?

La Chine subit en effet des pressions sur deux fronts : au niveau national et international. Tout d’abord, le pays avait une politique assez sceptique, sinon hostile, quant au développement d’une gouvernance mondiale de lutte contre le réchauffement climatique. La priorité était ailleurs : le développement économique chinois ne pouvait se compromettre par des contraintes environnementales. Avec 500 millions de Chinois sortis de la pauvreté à la fin du XXIème siècle et une croissance exponentielle parmi les plus importantes sur la planète, difficile pour le gouvernement chinois d’adopter un modèle de développement radicalement différent. La transition énergétique et la lutte contre la pollution sont cependant devenues des préoccupations majeures dans le pays.

Au niveau national, les revendications grandissantes de la population chinoise se font ressentir : avec des villes hyper-polluées, la Chine a selon Greenpeace 80% de villes qui ne respectent pas les normes anti-pollution. De plus, 10% des terres arables du pays seraient contaminées par des métaux lourds, tandis que 80% des eaux souterraines sont rendues non-potables par cause de pollution. Le smog quasi-permanent de Pékin, en vérité un amas de particules fines dangereuses pour la santé, est l’élément le plus représentatif de ce phénomène. Pas directement responsable du réchauffement du climat, ces phénomènes de pollutions encouragent la population à prendre conscience des risques environnementaux, et permet au gouvernement de justifier ses choix ambitieux.
Un autre facteur important en faveur d’une économie décarbonée serait la dépendance de la Chine envers le Moyen-Orient à cause de sa consommation massive de pétrole. L’indépendance énergétique issue des énergies renouvelables serait un moyen de ne pas subir l’instabilité de cette région, et d’éviter les conflits avec les Ouïghours, minorité musulmane sunnite de l’ouest de la Chine.
Lors de l’élaboration du 13ème plan quinquennal chinois adopté en 2016, il a été convenu que la part du charbon dans le mix énergétique chinois devrait passer de 64% en 2015 à 58% en 2020 et d’augmenter la part des énergies non-fossiles à 15%. Les émissions de la Chine, bien que très importantes, sont descendues de 1% en 2016 malgré une croissance à 6,7%. La stratégie chinoise d’investissement dans les énergies renouvelables semble payante.

Aucune vocation impérialiste

Sur la scène internationale, la situation a aujourd’hui changé : la Chine représente 28% des émissions de CO2 à l’échelle mondiale, et est de ce fait largement responsable du réchauffement en cours et futur. Le pays ne peut plus être considéré comme un pays du Sud, même si la Chine se plaît dans les négociations internationales à jouer ce rôle d’intermédiaire entre les pays du Nord industrialisés et les pays du Sud en développement. Ces deux entités économiques et géopolitiques peuvent être considérées comme dépassées sous bien des aspects, la Chine et les BRICS étant l’exemple le plus probant de cela, mais la gouvernance climatique est caractérisée par une forte divergence des attentes entre les pays « responsables » du changement climatique qui se sont largement appuyés sur un développement très polluant et émetteur de GES, et les pays du Sud qui demandent un droit au développement. La Chine a dans ce cadre été l’instigateur principal du fameux principe de « responsabilité globale, mais différenciée ». Il s’agit de dire que la lutte contre le réchauffement climatique doit être l’affaire de tous, mais que certains pays ont naturellement une responsabilité plus grande, et également des ambitions qui doivent être supérieures.

Contrairement aux idées reçues, la Chine ne semble pas vouloir s’établir comme une puissance à vocation impérialiste. Mais l’idée d’un leadership climatique semble être une façon pour le pays de s’imposer à l’international et à afficher son statut d’hybride entre les puissances occidentales et les pays qui atteignent un développement du même niveau que l’Union européenne ou les États-Unis. La Chine se différencie déjà à l’échelle régionale puisqu’elle semble bien plus ambitieuse que son voisin l’Inde sur ce sujet.
Il y a donc là le germe d’une démarcation positive pour la Chine, qui sent que ce projet de puissance soft sur le climat est soutenu par la population : la Banque Mondiale a récemment mené une étude qui soutient que 76% des Chinois pensent que le changement climatique est un problème sérieux et que 98% d’entre eux pensent que la Chine a un rôle majeur à jouer dans la gestion de ce problème. Il y a donc bien une conscience des enjeux contrairement à ce qu’on pourrait imaginer.

Europe et États-Unis, la concurrence en perte de vitesse sur le dossier climatique

Cet essor de la Chine dans la lutte contre le réchauffement climatique doit être mis en parallèle avec l’échec de l’Union européenne en 2009 lors du sommet de Copenhague. L’Union est parue plus divisée que jamais sur le sujet, victime de la crise économique, des divisions internes et de la remise en question du projet européen par les nationalistes. La reconnaissance de l’Europe comme tenant du leadership sur le climat est passé de 62% en 2008 à 45% en 2010. Cependant, cet échec est à relativiser depuis le succès de la COP21 de Paris, même si l’Europe ne semble plus incarner le leadership climatique comme elle a pu le faire durant les années 90.
L’Union européenne subit en effet les conséquences de l’inefficacité relative de son marché carbone, qui peut-être vu comme un simple « droit à polluer ». De plus, les divisions internes entre les pays de l’Ouest plus riches et développés et les pays à l’Est de l’Union, créent des tensions. Des pays récemment intégrés à l’Union peuvent voir les objectifs climatiques comme une contrainte économique injuste vis-à-vis des pays plus développés.

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Enfin, les États-Unis sont aujourd’hui la plus grande source d’inquiétude. Avec la sortie de l’Accord de Paris, ils donnent un signal important dans l’arène internationale, et laissent la place à la Chine pour montrer qu’elle ne transigera pas avec la trajectoire de Paris. L’ordre international semble bouleversé et les anciens équilibres ne sont plus d’actualité. L’impact de cette sortie des États-Unis est très difficile à estimer, mais on peut compter sur la volonté de la Chine de s’imposer lors des futures COP et croire au réveil de l’Union européenne pour enfin proposer un projet ambitieux pour contrebalancer les errances dangereuses de l’allié américain.

Maxime Zimmermann

Passionné par les questions environnementales et internationales, je veux croire à une Europe plus écologique et sociale.

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