Juncker et l’optimisme européen

Corentin Gorin

Dans son discours sur l’état de l’Union prononcé le 13 septembre dernier, Jean-Claude Juncker a formulé le souhait d’une Europe toujours plus unie à travers la zone euro et l’espace Schengen. Un discours optimiste dans la valse des propositions pour faire avancer l’Europe.

« Mon espoir est que le 30 août 2019, les Européens se réveilleront dans une Union où nous défendons tous nos valeurs. [] Où être un membre à part entière de la zone euro, de l’union bancaire, et de l’espace Schengen soit devenu la norme pour chaque État membre de l’UE ». Avec cette phrase prononcée en toute fin de discours sur l’état de l’Union, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, formule ici l’espoir que l’Europe telle qu’elle se dessine depuis quelques temps s’engage sur une voie d’unité.

L’Europe à deux vitesses, un vieux serpent de mer

« Europe à plusieurs vitesse », « Europe à géométrie variable », on ne découvre pas aujourd’hui les déclarations de certains leaders européens appelant à une construction européenne dans laquelle la participation de chaque État membre se ferait à différentes échelles. Ce vieux débat est revenu sur le devant de la scène ces derniers mois, en particulier devant les gestes de défiance répétés de pays comme la Pologne ou la Hongrie à l’égard de l’UE. Plus généralement, ce discours fait régulièrement débat au sein de l’Union depuis l’élargissement de 2004.

En mars dernier, plusieurs chefs d’États, en particulier l’ancien Président français François Hollande, et la chancelière allemande Angela Merkel, se montraient sensibles à ce scénario. Ce dernier était d’ailleurs approuvé par Jean-Claude Juncker lui-même, qui se voulait rassurant en expliquant que cela ne signifiait pas la mise en place d’un nouveau « rideau de fer » entre l’Est et l’Ouest. Les thèmes sur lesquels l’Europe devait avancer, selon les partisans de cette « Europe à géométrie variable », devaient être la zone euro, la fiscalité, le domaine sociale, ou encore l’Europe de la défense. Au final, une grande partie des enjeux les plus importants autour desquels l’Union européenne travail peu, faute de compétences. Si l’on peut évidemment déplorer l’attitude des dirigeants d’Europe de l’Est visés ici, on peut également s’interroger sur l’utilité de la démarche de leurs homologues de l’Ouest. La plupart des dirigeants de l’Est ont froidement accueillis cette perspective de division, faisant planer le doute d’une plus grande marginalisation, déjà bien engagée chez certains.

Depuis leur intégration en 2004, les anciens pays sous domination soviétique ont rattrapé une partie de leur retard en infrastructure, et se sont enrichis. Sans toutefois égaler les plus anciens membres. Des divergences de point de vus minent bien souvent les relations entre les deux parties de l’Europe, celle sur les travailleurs détachés en est un exemple frappant. Devant ce constat, le débat est ainsi quasi permanent entre la volonté d’avancer tous ensemble, et ceux désireux d’avancer au sein d’un groupe plus restreint et potentiellement plus efficace.

L’appel de Juncker à la solidarité

Dans son discours sur l’état de l’Union, Jean-Claude Juncker a semblé prendre le contre-pied de ce qu’il approuvait lui-même il y a de cela quelques mois. En appelant chaque État membre de l’UE à entrer dans le zone euro, il affiche la volonté d’en finir avec l’un des symboles les plus importants de cette Europe à deux vitesses qui existe déjà dans les faits. Un message adressé aux principaux concernés, qui utilisent encore leurs monnaies nationales, mais aussi sans doute aux différents populistes européens – FN en France et AfD en Allemagne en tête – qui fustigent sans cesse la monnaie unique. Cette déclaration à l’égard de l’Euro s’accompagne cependant d’un refus de mettre sur pied un parlement de la zone euro. Un vœu formulé dès 2015 par Emmanuel Macron, qui était encore ministre de l’économie.

L’autre appel de Jean-Claude Juncker à une unité européenne concerne une nouvelle fois un élément des plus décriés par un nombre croissant de détracteurs : l’espace Schengen.
« Si nous voulons renforcer la protection de nos frontières extérieures, nous devons laisser la Bulgarie et la Roumanie rejoindre immédiatement l’espace Schengen. Nous devrions aussi permettre à la Croatie d’en devenir membre à part entière, une fois qu’elle remplira tous les critères ». En liant protection des frontières de l’UE avec l’espace Schengen, le président de la Commission envoie une fois de plus un message aux partisans de sa suppression.

Ce discours d’une tonalité générale très optimiste, tourné vers un avenir qui doit se dessiner aujourd’hui quand l’Europe va un peu mieux, tranche avec les volontés d’avancer par groupes développé il y a encore quelques mois. Une des missions de Jean-Claude Juncker jusqu’à la fin de son mandat sera donc de ramener dans le giron européen les pays contestataires d’Europe de l’Est tout en mettant en œuvre ce qu’il a expliqué le mardi 13 septembre dernier, une Europe qui doit se retrouver, notamment dans deux domaines – la zone euro et l’espace Schengen – qui sont des symboles de réussite pour les uns, d’échec pour d’autres.

Lire aussi >>> Jean-Claude Juncker : entre euroïsme et pessimisme

Corentin Gorin

Ex-rédacteur en chef d'Eurosorbonne.

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