Face à son voisin russe, la Finlande se rapproche de l’Ouest

Chloé Rebaudo

Depuis la proclamation de son indépendance le 6 décembre 1917 vis-à-vis de la Russie, la Finlande constitue une frontière entre l’Est et l’Ouest européen. Elle a progressivement exprimé une volonté d’émancipation malgré la frontière physique qui rapproche les deux États.

L’histoire de la Finlande en tant qu’entité étatique est toute récente. En effet, le pays a d’abord été colonisé par son voisin suédois pendant des siècles. Puis, les Russes ont considéré le pays comme grand-duché rattaché à leur Royaume à partir de 1808. En 1917, en pleine révolution russe, les Finlandais ont entamé une révolte pour proclamer leur souveraineté.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, Staline pensait être attaqué par l’Allemagne à partir du territoire finlandais, c’est pourquoi il a demandé au pays de lui céder la région de Carélie, à l’est. L’indépendance finlandaise a alors dû être défendue lors de la Guerre d’Hiver de novembre 1939 à mars 1940, puis lors de la Guerre de Continuation de 1941 à 1944. Durant ces deux premiers conflits, l’Allemagne a soutenu la Finlande face à la Russie. La Guerre de Laponie en 1944 avait enfin pour but de faire évacuer les soldats allemands qui se trouvaient en territoire nordique, pour satisfaire les demandes russes.

Lire aussi >>> Crise économique en Finlande : Nokia, la faillite nationale

La Finlande est considérée comme perdante lors du Traité de Paris de 1947. Elle cède définitivement 10 % de son territoire à son voisin, ce qui comprend les territoires de Carélie et de Salla ce qui lui fait perdre son accès direct à l’Arctique, et doit verser 300 millions de dollars sur sept ans à l’URSS. La doctrine Paasikivi- Kekkonen lors de la guerre froide établit que la Finlande ne provoquera pas la Russie et qu’aucun pays ne l’attaquera par son territoire, ce qui permet de bonnes relations entre les deux pays. Elle entame néanmoins depuis la dislocation de l’URSS en 1991 un déplacement vers l’Ouest.

A l’ouest, du nouveau

A partir de ce moment, la Finlande a entrepris et multiplié ses opérations avec les forces internationales occidentales. Comme en en 1994, où elle a participé à des interventions dans les Balkans et en Afghanistan avec l’OTAN. En 1997, elle rejoint le Conseil de partenariat Europe-Atlantique, conseil qui regroupe 50 pays et qui constitue un forum de dialogue et de consultation politique et sécuritaire pour des pays partenaires de l’OTAN.

Lire aussi >>> Les tensions russo-européennes : une Europe unie dans l’atlantisme ?

La Finlande accentue sa coopération avec l’Ouest en intégrant la Communauté européenne en 1995 et puis en adoptant la monnaie européenne en 2002, ce qui montre que le pays souhaite politiquement et économiquement s’impliquer dans une entité plus large pour aussi échapper à son voisin, si imposant. Pour cela, elle va encore plus loin lorsqu’il s’agit de défense puisqu’en novembre 2009, les pays nordiques mettent en place une coopération : NORDEFCO. L’objectif est avant tout économique car du fait de la crise, les budgets dédiés à la sécurité pour chacun des pays ont diminués. 2014 est véritablement le point d’orgue lorsque la Finlande se range aux côtés de l’OTAN pour dénoncer l’invasion de la Crimée par la Russie.

L’ombre russe plane toujours

La Russie est toujours présente pour les Finlandais, malgré les 1340 kilomètres qui séparent les deux pays. Le pays nordique tente de s’affirmer, notamment lors des violations de son territoire par des avions de chasse russes le 6 octobre 2016. La Russie a aussi réinvesti la péninsule de Kola, située à 40 kilomètres de la Finlande pour des activités minières et militaires. Enfin, le ministre des Affaires étrangères russe depuis 2004, Sergueï Lavrov, a mis en garde la Suède sur une éventuelle adhésion à l’OTAN dans le quotidien DagensNyheteren avril 2016 en promettant« des mesures militaires et techniques », menaçant  ainsi en même temps la Finlande.

La Finlande semble donc tiraillée entre ses ambitions politiques et ses réalités frontalières. La position du gouvernement sur l’adhésion à l’OTAN  n’est pour l’instant pas fixée. En 2016, le Président finlandais, SauliNiinistö ne souhaitait pas s’engager davantage. Une éventuelle adhésion à l’OTAN ne serait toutefois plus qu’une formalité puisque le pays participe déjà à certaines opérations. La Finlande paraphera l’accord uniquement si la Suède le fait aussi, afin d’établir une continuité territoriale et donc se protéger face à la Russie. Cependant, un sondage réalisé par le Comité de communication de la défense nationale montre que seulement 22% des Finlandais sont favorables à cette adhésion, contre 25% en 2016.

Lire aussi >>> Finlande : la tentation populiste

Cela est d’autant plus nécessaire que son budget pour la défense a été abaissé du fait de la crise et de la baisse des exportations de produits finlandais. Le budget s’élevait à 1.36 % du PIB du pays en 2014, contre 1.29 % en 2007 selon l’IISS (International Institute for StrategicStudies) tandis que la France souhaite atteindre 2 % de son PIBdu fait aussi du renouveau de son engagement au sein de l’OTAN sous le quinquennat Sarkozy, après une absence qui durait depuis 1966.Face à ce déficit sécuritaire, la Finlande a maintenu le service militaire à 6 mois pour les hommes ; il s’agit de volontariat pour les femmes. Une coalition militaire est même devenue nécessaire. Ainsi, en 2016, 430 marins Finlandais ont participé à des manœuvres organisées par l’Alliance Atlantique en Norvège, ce qui correspond à un entrainement pour les Marines des membres de l’OTAN. Cette même année, un accord a été passé entre la Finlande et l’OTAN pour que l’organisation envoie des troupes si le pays le demande.

En cette année de centenaire, la Finlande semble toujours tiraillée entre l’Est et l’Ouest, d’où le renforcement de ses alliances militaires. Elle ne se risque pour l’instant pas à s’engager dans l’OTAN pour ne pas froisser son voisin russe, et privilégie actuellement ses célébrations nationales sur le thème « ensemble ».

 

Articles recommandés