Que s’est-il passé en Europe cette semaine ? (10.09 – 16.09)

Le Parlement européen dégaine l’arme nucléaire contre la Hongrie, saison 2 épisode 1 de l’affaire Skripal, la Suède se cherche une majorité, Juncker s’exprime une dernière fois et travail de mémoire en Espagne : l’actualité européenne de la semaine.

UE – Le Parlement vote en faveur du lancement de la procédure de l’article 7 contre la Hongrie

C’est fait : le Parlement européen a lancé mercredi dernier la procédure de l’article 7 contre la Hongrie de Viktor Orbán. Cet article du traité sur l’Union européenne permet de réagir lorsque « il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l’article 2 » du traité : entre autres, le respect de la dignité humaine, de l’Etat de droit, de la démocratie, des droits de l’Homme… Cet article est parfois qualifié « d’arme nucléaire » : si les violations sont avérées et que l’Etat membre ne rectifie pas le tir, il peut aller jusqu’à perdre son droit de vote au Conseil.

Cette procédure est rarissime et radicale : pendant longtemps, les acteurs européens ont rechigné à l’utiliser, de peur de renforcer la fracture entre l’Etat visé et le reste des Etats membres. Mais le Parlement a estimé qu’Orban était allé trop loin, et une partie du PPE – son groupe politique au Parlement – a voté pour l’activation de l’article 7. Le Conseil doit désormais se prononcer sur ce point, et la Hongrie ne participera pas au vote. La Pologne, sous le coup de la même procédure, devrait toutefois faire échouer le scrutin. L’Autriche, qui occupe actuellement la présidence tournante du Conseil, à quant à elle déjà demandé à ce que la régularité du vote du Parlement soit vérifiée. Affaire à suivre donc.

Affaire Skripal – Les deux suspects s’expriment, Londres s’offusque

Nouveau rebondissement dans l’affaire Skripal : après que Scotland Yard ait identifié et lancé un mandat d’arrêt européen contre deux ressortissants russes, voilà que ces derniers sont apparus jeudi dernier sur Russia Today, chaîne de télévision financée par le Kremlin. Dans une interview de 25 minutes, Rouslan Bochirov et Alexandre Petrov – noms donnés par les autorités britanniques et utilisés dans l’interview – se présentent comme deux simples touristes venus pour admirer la fameuse cathédrale de Salisbury, « connue dans toute l’Europe et dans le monde entier ». Penauds et contrits, Petrov et Bochirov disent faire des affaires dans l’industrie du fitness et assurent être dépassés par l’ampleur des événements.

Outre-Manche, Londres n’a pas tardé à monter au créneau : un porte-parole de Theresa May a déclaré que « les mensonges et les inventions flagrantes exprimés dans cet entretien à une télévision d’État russe sont une insulte à l’intelligence du public », tandis que le ministre des Affaires étrangères Jeremy Hunt ironisait en remarquant que « la dernière fois que l’armée russe a prétendu être en vacances, c’est quand elle a envahi l’Ukraine en 2014 ». Ce monument déjà mythique de la télévision est disponible ici.

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Suède – Le Parlement sans majorité

4 jours : c’est le temps qu’il aura fallu avant d’avoir les résultats définitifs des dernières élections législatives suédoises. La coalition de gauche arrive ainsi avec une courte avance sur la coalition de droite : 144 contre 143 députés. Conséquence : aucune majorité au Parlement, après un scrutin marqué par la progression de l’extrême-droite des Démocrates de Suède. Sans majorité, pas de gouvernement. Or, aucun des blocs politiques ne veut d’un modèle de « grosse coalition », comme c’est le cas en Allemagne. Cette union laisserait en effet à l’extrême-droite la place confortable de première force d’opposition. Pour autant, ni la droite ni la gauche ne semblent prêtes à céder. Les petits partis qui pourraient apporter une majorité d’un côté ou de l’autre ne devraient vraisemblablement pas le faire, car ils risqueraient de s’aliéner une partie de leur base politique.

Hypothèse probable : droite et gauche proposent des Premiers ministres potentiels, tous récusés par le Parlement faute de majorité. Après quatre votes stériles, de nouvelles élections seraient convoquées début 2019.

UE – Juncker livre son dernier discours sur l’état de l’Union

Jean-Claude Juncker a lancé le coup d’envoi de la rentrée européenne mercredi 12 septembre, en prononçant son annuel « Discours sur l’état de l’Union ». Ce rendez-vous permet traditionnellement au Président de la Commission de faire le bilan de l’année passée de l’exécutif européen, et d’annoncer les grandes orientations futures de la Commission. Un rendez-vous au goût d’au revoir pour le Luxembourgeois, qui laissera sa place après les élections européennes de 2019.

Juncker a voulu un discours rassembleur, appelant les Européens à faire front commun contre « le nationalisme borné, un mensonge accablant et un poison pernicieux ». L’Europe doit être unie, afin d’avoir une véritable influence sur la scène internationale « face à une Amérique de Trump imprévisible [et] face à une Russie qui sait manier la menace ». Des paroles certes plein de bonne volonté, mais qui résonnent d’une manière étrange dans une Europe plus divisée que jamais et devant un hémicycle clairsemé.

Juncker a aussi appelé l’Europe a être plus ambitieuse : en citant l’interdiction du sac plastique à usage unique et la fin du changement, il a souligné que les citoyens attendaient plus que cela. Il a aussi appelé une nouvelle fois à changer le mode de vote du Conseil pour les décisions liées à la politique étrangère et à la fiscalité, ces dernières devant aujourd’hui être validées à l’unanimité. Juncker aimerait passer au vote de la majorité qualifiée, afin d’éviter des blocages. Le Président de la Commission a aussi évoqué les négociations du Brexit, un renforcement du partenariat économique UE-Afrique ou encore la création de 10 000 postes de gardes-frontières d’ici 2020. Le site Toute l’Europe a compilé des réactions de la presse européenne à ce discours ici.

Lire aussi >>> Retour sur le discours de 2017

Espagne – L’exhumation de Franco votée par les députés

C’était le dossier chaud de l’exécutif espagnol, c’est désormais une victoire pour le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez : son décret prévoyant l’exhumation de Franco a été voté jeudi dernier par les députés. 172 voix pour, 2 voix contre et 164 abstentions de la part de la droite et du centre ont permis au gouvernement de concrétiser une promesse faite à l’arrivée au pouvoir de la gauche, en juin dernier.

Le corps du dictateur Franco repose aujourd’hui au sein du gigantesque mausolée de Valle de los Caídos, perdu dans les montagnes au nord-ouest de Madrid. A ses côtés, les dépouilles de 27 000 combattants franquistes et de 10 000 opposants républicains, dont les corps furent extirpés de cimetières et de fosses communes sans l’avis de leurs familles. La question de son exhumation n’est pas nouvelle, et a été abandonnée à de nombreuses reprises : la droite prétend traditionnellement que cela ne ferait que rouvrir les blessures du passé, tandis que la gauche argue qu’il s’agit de rendre hommage aux victimes de la dictature. En attendant, le mausolée est un lieu de pèlerinage pour les nostalgiques du franquisme, et la question continue de diviser profondément la société espagnole. Franco pourrait rejoindre le caveau familial, mais sa famille s’y oppose farouchement. Carmen Calvo, la vice-présidente du gouvernement, soutient que « il n’y aura ni respect, ni honneur, ni concorde tant que les restes de Franco seront au même endroit que ceux de ses victimes ». Quant au sort du mausolée, il reste en suspens…

Nezim Tandjaoui

Rédacteur en chef,
souvent en train d'essayer d'écrire.

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