Brexit : la fin du Royaume-Uni ?

Louis Richard est votre guide pour un tour de l’histoire du parti nationaliste écossais, qui pourrait bénéficier du Brexit pour réaliser son rêve d’indépendance.

Le 2 juin à Bruxelles, Nicola Sturgeon, Première ministre écossaise, rappelait qu’une éventuelle sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne pourrait engendrer  un référendum sur le maintien de l’Ecosse au sein du Royaume-Uni. Un vote massif en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’UE par les électeurs anglais serait particulièrement mal vécu en Écosse, plus europhile. Mais la menace d’implosion du Royaume-Uni peut-elle être prise au sérieux ? Et le parti nationaliste écossais peut-il compter sur un soutien sans faille de son électorat et sur les victoires passées ?

De lents débuts

Du point de vue historique, le nationalisme démocratique écossais n’est apparu que dans les années 1960. A l’époque le SNP (Scottish National Party) occupe un rôle marginal. En dépit de ses scores électoraux, qui n’inquiètent ni les travaillistes ni les conservateurs, le parti nationaliste parvient à se faire entendre sur le plan culturel. C’est grâce à Ian Macdonald, un leader dynamique et charismatique, que le nombre d’adhérents passe de 2000 en 1962 à 120 000 en 1968. À partir des années 1970, le SNP obtient régulièrement des sièges lors des élections générales.  Le parti va même envoyer 11 députés à Westminster en octobre 1974 avant de retomber à 2 lors de l’élection de Margaret Thatcher en 1979.

Il va sans dire que Margaret Thatcher n’accorde que peu d’importance aux aspirations nationalistes écossaises, même si elle craint une dérive violente semblable à la situation irlandaise. Le parti se fonde alors une légitimité représentative auprès des électeurs, tout en revendiquant son indépendance de manière démocratique, à la différence des Irlandais.

Les premiers succès du parti nationaliste

La pression du parti nationaliste est telle qu’un projet de loi a été présenté en 1977 pour l’élection d’une « Scottish assembly » dont les prérogatives étaient : la santé, l’éducation, les beaux arts, le logement, les transports, l’environnement, le droit et la justice. Mais contrairement aux attentes du SNP, ce référendum s’est soldé par un échec. Le parlement de Westminster avait prévu que la loi ne pourrait être validée que si une majorité de 40% des électeurs inscrits votaient en faveur de la réforme. Malgré une faible victoire du « oui »  (51,6%), les suffrages exprimés en ce sens ne représentaient que 32,9% de l’électorat.

Le-raz-de-marée conservateur qui a porté Mrs Thatcher la même année au poste de Première ministre a marqué pour le SNP le début d’une ère difficile, confirmée par l’élection de son successeur John Major en 1990.

Le parlement réalisé

C’est en 1997 avec l’élection de Tony Blair qu’arrive la consécration : la création d’un parlement écossais. On trouve trois raisons à ce succès. Premièrement, les revendications écossaises, et à travers elles le SNP,  devenaient trop importantes pour être ignorées par les travaillistes, qui ont eu besoin d’un allié pour contrer le parti conservateur. Deuxièmement, Tony Blair, né à Edimbourg d’une mère écossaise, est lui-même plus sensible à la cause écossaise. Enfin le parti a appris de ses erreurs : contrairement au référendum de 1979, où le gouvernement de Westminster avait élaboré un texte législatif à faire ratifier par référendum, il décide en 1997 de consulter la population, puis de soumettre un texte au gouvernement. Ce dernier tient ses promesses en rédigeant un livre blanc intitulé « Scotland’s Parliament » (le parlement écossais) auquel même les conservateurs ne s’opposent plus. Le parlement reçoit alors les mêmes prérogatives que l’assemblée écossaise avec la capacité à lever des impôts.

Le référendum de l’indépendance et le référendum du Brexit

Le référendum sur l’indépendance de l’Ecosse en septembre 2014 a entraîné une très forte mobilisation, avec 84,59% de votants. Malgré la victoire du « non », l’intérêt qu’a suscité l’indépendance du pays pourrait être utilisée par les europhiles : en cas de Brexit, la question risque d’être posée à nouveau, et le “oui” aurait toutes les chances de l’emporter. Ainsi l’exploitation de cette hypothèse se présente comme une stratégie d’intimidation envers les partisans d’une sortie de l’UE.

Il ne fait aucun doute qu’un possible éclatement du Royaume effraie davantage les Britanniques qu’une sortie de l’Europe.

 

Par Louis Richard

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